Julien JACQUIN

Le 2 octobre 1914, un train s’arrête en gare d’Erbisoeul-Brûlotte. C’est un convoi de prisonniers français à destination de l’Allemagne ; il porte le numéro 11 3/18. Les Allemands débarquent le cadavre d’un jeune français de 22 ans, mort pendant le trajet et le font enterrer au cimetière d’Erbisoeul ; sur sa tombe, ils écrivent « Il est mort pour sa patrie – Repose doux ».

L’abbé Lefrant, alors curé d’Erbisoeul, écrivit dans son registre : « En l’an de notre Seigneur 1914, en ce jour 2 octobre, a été inhumé en terre sainte le soldat français nommé Julien JACQUIN - plaque n° 844 – Chartres - 101ème de ligne – 3ème Comp. – Dreux - Eure-et-Loir - né le 23 nov. 1891 à Colomier - canton de Nogent le Roi – Eure-et-Loir – résidant à Vic les Chartres – canton de Chartres-sud – Eure-et-Loir – fils d’Armand Isidore et de Guerit Adrienne Amélie. »

Quand on érigea à Erbisoeul le monument à la mémoire des combattants de 14-18 morts au champ d’honneur, le nom de Julien Jacquin fut inscrit à côté de celui d’Ulysse Wambreuse.
Mais qui est ce Julien Jacquin ?
Il y a quelques années, Charles Boelpaep, essaya d’en savoir un peu plus sur lui :

Jacquin, 101ème de ligne ? inconnu !
Né à Colomier le 23 novembre 1891 ? Inconnu !
Habitant Vic les Chartres ? Inconnu !

En fait, le bon abbé Lefrant avait commis quelques erreurs regrettables (peut-être avait-il été mal informé par les Allemands) et ses informations n’étaient que partiellement exactes.
Après de longues et patientes recherches, Charles Boelpaep parvint à corriger les fautes de notre curé :

- s’il était bien né en Eure-et-Loire, ce n’était pas à Colomiers mais à Coulombs ;
- il n’était pas domicilié à Vic-les-Chartres mais à Ver-les-Chartres ;
- si son père se prénomme bien Armand et sa mère Adrienne, le patronyme de celle-ci est Girout et non Guerit ;
- avant-dernière erreur – et ce n’est pas la moindre – son nom n’est pas Julien JACQUIN mais Julien JUCQUIN ;
Coulombs, 1888 – 1892, registre des naissances, mariages, décès, cote 3 E 113/017
- enfin, il n’était pas au 101ème de ligne mais au 101ème R.I. (Régiment d’Infanterie) !

Ce dernier point nous permet de retracer le parcours du soldat Jucquin.

Au moment de la mobilisation d'août 1914, le 101ème R.I. est en garnison à Dreux et Paris. Rattaché à la 13ème brigade d'infanterie de la 7e D.I. (Division d’infanterie).
Le 101ème R.I. quitte Dreux le 2 août 1914 pour se rendre à Reims le 8 août.
C’est là que le soldat Jucquin rejoint son régiment : Le 7 août, il a quitté Ver-les-Chartres où il exerçait la profession de charretier. Il laisse derrière lui son père, meunier, et cinq frères et sœurs. Sa mère est morte l’année précédente.
Le régiment se met en marche et gagne à pied la frontière belge où les premiers combats se déroulent à Ethe dès le 22 août. Après un repli ponctué de combats, ils arrivent le 3 septembre à Sainte Ménéhould ; là, ils prennent un train qui les conduit à Noisy-le-Sec à proximité de Paris et repartent aussi vite en direction de Nanteuil dans l’Oise. Le 8 septembre, le régiment se retrouve confronté à l’ennemi au sud de Nanteuil puis remonte, tout en combattant, vers Crépy-en-Valois et Compiègne. Les affrontements durent jusqu’au 17 septembre puis, après 3 jours de repos, ils reprenent le combats au nord de Compiègne dans la Somme. Du 24 septembre au 2 Octobre 1914, ce sont des combats incessants dans les environs de Lancourt où les positions sont sans cesse perdues puis regagnées. Ce sera le quotidien de Julien Jucquin et de ses compagnons d’armes jusqu’au 2 octobre, date à laquelle il est blessé grièvement. Comme on ne retrouve pas son corps sur le champ de bataille, son régiment le porte disparu. En fait, il est fait prisonnier et évacué par train vers l’arrière du front. Mais Julien mourra de ses blessures pendant le trajet. On connaît la suite.

A Erbisoeul, il est présent sur le monument aux morts sous le nom de Julien Jacquin, tandis qu’à Coulombs, c’est son véritable patronyme, Julien Jucquin, que l’on peut lire sur le monument.
Monument aux morts de Coulombs
NB. Le lecteur curieux d’apprendre plus de détails sur ce soldat en trouvera dans l’article de Charles Boelpap, intitulé L'identification d'un combattant français de la première guerre mondiale enterré à Erbisoeul : le soldat Julien Jucquin paru en 2002 dans le tome IX des Annales du Cercle d'Histoire et d'Archéologie de Saint-Ghislain et de la région.
Emile Pequet

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